Le harcèlement scolaire-Marion
C'est un sujet de plus en plus courant, et pourtant pas encore assez pris au sérieux.
Je ne sais pas si vous connaissez ce drame: Marion, jeune fille, collégienne, bonne élève s'est donnée la mort suite aux insultes, menaces constantes de ses camarades. C'est sa maman, Nora qui l'a trouvé... 13 ans pour toujours le 13 février 2013...
Je pense souvent à Nora, la maman. Son combat, sa détresse, sa colère, je les saisis en tant que maman. Et en lisant le livre, j'ai même été surprise qu'elle ne soit pas plus virulente envers les harceleurs de sa fille. Je le serais volontiers à sa place.
Mais en réalité, j'aurais surtout pu être Marion. Je l'ai un peu été.
Il me faut beaucoup de courage pour parler de ça, mais je suis prête, c'est une question importante, il faut en parler, en avoir pleinement conscience. Un jour, cela pourrait concerner votre enfant, un frère, une soeur, un ami...
Cela commence souvent au collège.
Pour ma part, j'étais un peu le vilain petit canard, pas à la mode, un peu gauche, solitaire et mes rares amies étaient dans d'autres classes... Mais bon, je faisais avec. Mais en 5e, il s'est passé 2 choses: on a mis des éléments perturbateurs des mauvaises classes dans les bonnes classes (procédé qui se fait encore) et la seule amie que je m'étais faite dans ma classe m'a laissé tomber. J'ai su par la suite qu'on l'avait monté contre moi, parce que voyez vous j'étais trop "moche" et trop "nulle" pour être fréquentable, surtout avec celle qui était l'une des plus populaires. Il n'empêche qu'à ce jour c'est la pire douleur qu'il m'ait été infligée, et un peu le déclencheur de mon insécurité émotionnelle.
A partir de ce jour, ça a été quasi quotidien. D'abord à la récré, on venait m'embêter, en sport bien sur où c'était moqueries sur moqueries, puis dans les couloirs, et enfin à la fin c'était même en classe...
Je ne voulais plus y aller, je l'ai dit à ma mère qui a éludé, "t'en occupes pas ça leur passera", ça ne leur est jamais passé.
Même quand en 4e finalement j'avais ma bande de copines dans la classe... Quand je sortais avec elles en ville, si on avait le malheur d'en croiser, ils s'en prenaient à moi.
Pour elles aussi c'était compliqué, je traînais avec les intellos de la classe, et nous sommes à une époque où apprendre est une injure aux ignorants alors quand on rentrait de cours le midi, elles se faisaient caillasser, j'y échappais miraculeusement parce que j'étais une élève moyenne.
Cela ne vous semble peut être pas grave. Mais imaginez votre enfant se faire insulter quotidiennement, se faire bousculer, encercler, se faire cracher dessus, avoir sa chaise attrapée et remuée en plein cours ou jeter dans les escaliers: ça marque, au fer rouge.
Alors oui, j'étais comme Marion. Je regardais la poutre qui traversait ma chambre en pensant à la corde que mon père avait au grenier, j'ouvrais mon velux en m'imaginant en bas. Je pense sincèrement que j'ai manqué de courage, mais je suis bien contente de ne pas leur avoir donné cette satisfaction. Bien contente également de n'avoir jamais craqué devant eux.
Et puis, le lycée a été une merveilleuse délivrance, des amies, des camarades sympas et surtout un garçon qui m'a fait comprendre que non les garçons ne sont pas tous stupides et mauvais.
Mais les cicatrices ressortent, m'ont bâti. Quand on se construit en tant que jeune fille et qu'on entend quotidiennement que "t'es moche, pire qu'une poubelle" forcément on manque de confiance en soi. Mon mari cherche encore ce qui me fera penser le contraire.
Je me sous-estime énormément.
Je suis d'une grande méfiance et extrêmement réservée, ça passe ou pour de la timidité ou pour de la froideur.
Je suis mal face à la foule et je déteste avoir quelqu'un derrière moi.
Et surtout comme si je restais engluée dans ce cercle, je suis passée de harcèlement scolaire au harcèlement professionnel.
Mais à part ces tâches indélébiles j'ai voulu me relever et me servir de ça: je peux être très forte moralement, je me moque très peu des autres, j'ai une grande empathie envers ceux qui souffrent et je trouve souvent les mots et les gestes, je suis une amie exigeante mais bienveillante.
On dit souvent que les enfants sont méchants entre eux, comme si c'était là un fait, une banalité et qu'il fallait faire avec. Je ne vois pas en quoi la méchanceté et le mal sont des choses que l'on devrait accepter.
Si votre enfant est: rêveur, cultivé, premier de la classe et/ou gentil, méfiez-vous, certains se sentiront forcément menacés...
Les réseaux sociaux d'aujourd'hui peuvent être une occasion supplémentaire pour eux d'être tourmentés, même chez vous, là où ils sont censés être le plus en sécurité
En lisant ce livre, je m'étais dit un slogan "NI BOURREAU NI VICTIME" pensez-y quand votre enfant part et revient de l'école
Cette journée est celle contre le harcèlement à l'école, #FrenchBlueShirtDay
Je dédie ces aveux à Marion, parce que je comprends
Et à sa maman qui a perdu l'un de ses joyaux.